3500 publications, un h-index au plafond…
Didier Raoult, un génie ?
Ou pas.
D’abord, rappelons que même le plus grand génie de tout le temps ne serait pas dispensé de démontrer ses propos. J’ai même envie de dire que c’est justement ça qui fait qu’un « génie » serait génial. Du travail pour vérifier ses hypothèses. « Le génie, c’est 1% d’inspiration et 99% de transpiration » (citation prêtée à Thomas Edisson). J’ajoute enfin que de nos jours, les génies isolés, ça n’existe quasiment plus : les découvertes sont le résultat d’un travail commun.
Bref, on va voir ce que « vaut » le melon de Raoult.
On va se baser sur research.com, un site souvent cité en ce moment par des Raoultôlatres qui aiment la copie d’écran montrant Raoult classé 1er.
Au moins ils ne pourront pas accuser d’utiliser une source « biaisée » puisque c’est leur propre source… Quoique ce site pourtant néanmoins un peu à caution 👇
Néanmoins, les chiffres affichés étant crédibles, on va les utiliser.
Rappel sur le h-index
Un h-index de X, cela signifie que X publications ont été citées au moins X fois. Chacune.
Par exemple, un h-index de 200 signifie que le chercheur a vu 200 de ses publications citées au moins 200 fois chacune.
Research.com utilise un « D-index« . De ce que l’on comprend de leur explication, le « D-index », c’est la même chose que le h-index mais limité à un domaine (« D » pour Discipline h-index)
Par exemple, un chercheur peut avoir un D-index en microbiologie, un D-index en médecine, etc.
Didier Raoult vs Willem De Vos
Didier Raoult
Selon la page research.com qui lui est consacré, le palmarès de Didier Raoult, c’est :
- Environ 40 ans de carrière
- 3196 publications en microbiologie
- 192’957 citations
- Un D-Index de 197.
Première remarque : 3196 publications en 40 ans, cela fait :
- plus de 87 par an
- Soit plus de 7 par semaine
- Soit plus d’une par semaine ! (3 toutes les 2 semaines environ)
Sacré rythme !
Willem M. De Vos
Classé 2ᵉ mondial en microbiologie, c’est donc le « premier dauphin » de Raoult.
Allons là aussi voir sa notice research.com :
- Il a presque le même âge que Raoult (2 ans d’écart, né en 1954). Donc probablement environ 40 ans de carrière aussi
- 670 publications en microbiologie
- 116’112 citations
- un D-Index de 168
Selon les mêmes calculs, 670 publications, cela fait :
- Presque de 17 publications par an
- Plus de 1 publication par mois (un peu plus de 4 articles tous les trimestres)
C’est déjà bien plus crédible que Raoult…
Comparaison
Là, on voit tout de suite que De Vos a quasiment le même D-Index que Raoult : 168 vs 197.
Soit 85% du score de Raoult.
MAIS
Il n’a que 670 articles au lieu de 3196. Soit seulement 21% du nombre « pondu » par Raoult !
Proportionnellement, De Vos semble donc beaucoup plus cité que Raoult.
Selon la définition du H-Index / D-Index, ramené en proportion des articles, cela veut donc dire que :
- 6% des publications de Raoult sont citées 197 fois
- 25% des publications de De Vos qui sont citées 168 fois
Par ailleurs, et plus simplement, en termes de nombre de citations, on a en moyenne :
- 173 citations / article pour De Vos (116112/670)
- 60 citations / article pour Raoult (192957/3196)
Raoult est donc proportionnellement trois fois moins cité que De Vos !
… Et il apparait pourtant en 1ᵉʳ, ayant le plus fort D-Index.
Le problème du h-index
Cela illustre un gros problème :
Il n’est pas normal qu’un chercheur ait un rang inférieur à un autre qui est cité 3 fois moins !
S’il a proportionnellement plus d’articles cités, cela signifie qu’il a plus d’articles pertinents en proportion de son travail. Il devrait être mieux classé.
Pourquoi ce n’est pas le cas ?
Entre autres, parce que le H-Index ne distingue pas les auto-citations des autres types de citation.
En s’auto-citant énormément, on peut donc augmenter artificiellement son H-Index : si j’écris 400 articles, même pourris, je peux m’arranger pour que mes 200 derniers articles citent, chacun, l’ensemble de mes 200 premiers… Et j’obtiens alors un h-index de 200 ! (j’aurais bien 200 articles cités chacun 200 fois)
Or, c’est bien ce que fait Raoult: selon la base Web of Science rapportée par le journal Sud-Ouest, Didier Raoult aurait 25% d’auto-citation entre 1979 et 2018 sur plus de 2000 articles et 72847 citations.
D’autre part, bien entendu, plus on publie des articles, et plus on, a des chances d’être cité à un moment ou à un autre, même avec un « rendement » très faible. C’est le cas de Raoult : Son « rendement » est de 6% alors que celui de De Vos est de 25% !
À mon avis (qui reste une opinion personnelle), il faudrait prendre en compte le nombre moyen de citations par article : un jeune chercheur qui fait une découverte absolument capitale et voit son premier et seul article cité 1000 fois devrait et aurait ainsi un poids bien plus important qu’un chercheur qui fait 3000 publications, mais n’est cité que 1000 fois en tout et pour tout.
En résumé
Raoult n’a rien d’un génie. Son h-index ne veut rien dire. Il a simplement su « hacker » le système en co-signant quasiment tout ce qui sortait de l’IHU, même quand il n’avait pas participé aux recherches, et en s’arrangeant pour que les articles de l’IHU citent les précédents (en le demandant à ses équipes).
BONUS
Selon l’article de Sud-Ouest précédemment cité, rapportant les données du WoS, Raoult aurait eu 2053 articles en 2018.
Aujourd’hui, début 2024, il en a près de 3500. Il aurait donc a son actif +1500 articles en 5 ans ! 300 par ans : Plus d’un article par jour ouvré !!
Franchement, vous trouvez ça crédible ???
C’était Chat Noir, contre les druides-charlatans
Complément
En faisant une recherche par auteur dans Pubmed, on trouve le nombre de publication par année.
Pour Raoult, ça donne ça :
En 2012, il aurait donc publié un record de 193 publications ! Cela fait 16 par mois. Soit plus d’un article tous les 2 jours !
Franchement, comment peut-on trouver ça crédible et prétendre que c’est de la « bonne science » ou, du moins, qu’il aurait vraiment participé aux recherches ?