Je t’ai parlé de la protéine PrP et je t’ai dit que c’est elle qui peut devenir un prion SI elle change de repliement. Maintenant on va voir comment, et surtout comment elle peut se « reproduire » 👇
[INTRO] Stanley Prusiner a proposé en 1982 que l’agent responsable de la tremblante du mouton et celui du kuru fussent des protéines contagieuses (transmissibles) et surtout capables de se propager et se multiplier TOUTES SEULES [1]. Comment est-ce possible ?
Je vais te raconter comment toutes les cellules peuvent normalement produire des protéines, et te donner l’exemple de la protéine PrP (celle qui devient un prion) que toi aussi tu possèdes dans tes cellules. Ici⬇️, je te rappelle qui est la protéine PrP.
[FILM] Ici⬇️, je te montre la PrP humaine complète (la dernière fois, il manquait une partie). Tu vas voir que son REPLIEMENT est stable mais qu’elle possède une extension qui peut changer de conformation (source [2]). Ça, c’est tout à fait normal.
Normalement, pour produire une protéine, toute cellule doit disposer d’un gène qui code la « recette » de fabrication de ladite protéine. Les gènes, ce sont les notices de fabrication de toutes les protéines et tous les ARN d’une cellule. Rien de moins, rien de plus.
Pour produire une protéine, faut « exprimer » son gène (lire sa notice de fabrication et en faire un plan de fabrication) sinon il ne se passe rien: c’est la transcription. Pour un gène de protéine, après la transcription, tu obtiens un ARNm. Lis ça ⬇️ pour les détails
Et cet ARNm, c’est une instruction/notice de fabrication pour les ribosomes qui peuvent le « lire » et le convertir en protéine de séquence déterminée, grâce à ces instructions. C’est la traduction. T’as des précisions ici⬇️.
La protéine PrP est « sécrétée » et reliée à la membrane plasmique, exposée à l’extérieur, grâce à des décorations faites de lipides et de sucres (une « ancre GPI ») [3][4]. Je te mets l’histoire en images là⬇️, pour réduire la longueur du thread. Mais tu comprendras mieux
Le repliement de la protéine dépend de sa séquence et elle l’adopte pendant sa synthèse ou juste après. T’as même des protéines spécialisées (les chaperones) qui « aident » le repliement correct des protéines [5]. Et je te parle bien de REPLIEMENT
Les protéines peuvent changer de CONFORMATION. Elles gardent leur REPLIEMENT, mais ce dernier est flexible. Les hélices, boucles, brins ne changent pas, mais peuvent se réorganiser, et ça, c’est normal. C même indispensable pour leur fonction⬇️.
Les protéines mal REPLIEES, par contre, c’est dangereux, et t’as des systèmes d’élimination des protéines qui perdent leur repliement (ça arrive et ça dépend des conditions physico-chimiques qu’elles rencontrent ou d’erreurs de traduction).
Ce sont des enzymes cellulaires appelées PROTEASES qui peuvent les dégrader. D’ailleurs, t’as tout un système normal de recyclage des protéines, qui sont toutes dégradées par des protéines au bout d’un moment, et renouvelées [6].
Sans gène, donc, pas de transcription, ni de traduction; donc pas non plus de possibilité de produire ladite protéine. Sans « mémoire génétique » (gènes), pas de reproduction ou de production de protéines de séquence définie possible.
Même si t’as une protéine venue de l’extérieur dans tes cellules, elle sera dégradée par le système de recyclage (d’homéostasie) des protéines. Comme celles que tu ingères quand tu manges. Toutes sauf les prions. Et c’est justement ce qui les rend dangereux.
PrP, comme toutes les protéines, peut changer de conformation régulièrement⬇️, surtout l’une de ses extrémités qui est très flexible [2]. Elle peut être recyclée, dégradée par le système d’homéostasie des protéines. Bref, elle est NORMALE. D’où vient le souci, alors ?
Eh bien le problème survient lorsque PrP change de REPLIEMENT.
➡️ Ça peut arriver spontanément, à cause d’une erreur de traduction, à cause d’un stress cellulaire ou
➡️ Si la séquence du gène contient une mutation qui rend la protéine produite plus instable [7,8].
Ce changement n’est pas un changement de conformation, mais de REPLIEMENT, parce qu’elle passe d’un bouquet de 3 hélices et 2 brins bêta à un ensemble très rigide de brins bêta organisés en feuillets. C’est ce qu’on appelle la FORME PRION de PrP⬇️.
Une fois qu’elle adopte ce repliement, elle devient résistante aux protéases et n’est plus dégradée par les protéases cellulaires ou celles du milieu extracellulaire. Pire! Elle se met à interagir avec elle-même et forme des assemblages rigides, des fibrilles amyloïdes⬇️
[FILM] Là⬇️, je t’ai fait une autre animation, où je te montre les PrP/prion en interaction et qui forment un fragment de fibrille (source [9]).
Ces fibrilles ne sont pas non plus dégradées. Elles s’accumulent donc, pendant longtemps. Très longtemps. Et après un certain temps, quand la quantité de fibres amyloïdes composées de prions devient grande, les symptômes pathologiques apparaissent [9].
Lorsqu’une PrP normale rencontre une fibrille composée de PrPs sous forme prion, elle interagit avec la fibrille à son extrémité et cette interaction provoque spontanément son changement de conformation en forme prion, et elle reste associée à la fibre, qui grandit.
[FILM] Là⬇️, t’as une simulation moléculaire d’une protéine PrP normale (bleue) qui rencontre l’extrémité d’une fibrille, avec une PrP sous forme prion (rouge). Tu vas voir que l’interaction va transformer PrP-normale en PrP-prion et allonger la fibrille (source [10]).
Tes cellules continuent à produire des PrP normales (qui sont nécessaires à leur bon fonctionnement), mais si elles rencontrent des PrP/prion, elles changent de conformation, deviennent des prions, et agrandissent les fibres amyloïdes qui s’accumulent.
C’est ÇA le prion humain.
➡️ Une protéine PrP normale qui change de repliement et adopte un repliement en brins bêta qui la rend résistante à la dégradation par les protéases, qui peut former des fibrilles, et qui sous cette forme peut CONVERTIR les PrP normales en prions
Autrement dit, un prion propage son REPLIEMENT anormal aux protéines qui ont une séquence identique (ou proche) à lui-même, c’est-à-dire aux PrP « normales ». C’est comme ça qu’il se propage. Parce que tu as DEJA des protéines PrP normales dans tes cellules.
Chez les souris, t’as aussi une PrP qui peut devenir un prion. Si le gène de PrP est absent, elles ne produisent pas de PrP normale et elles deviennent insensibles aux PrP/prions, puisqu’il n’y a plus de PrP normales à convertir, et donc pas de fibres amyloïdes
Et donc, sans PrP, pas de maladies à prion. Il y a même des personnes qui possèdent des variations génétiques dans le gène de PrP, et qui produisent une PrP résistante à la conversion par la PrP/prion.
Tu comprends pourquoi les prions n’ont pas de génome mais peuvent se transmettre? Parce qu’ils sont une forme alternative de protéines qui existent déjà où ils arrivent, et qu’ils peuvent « imposer » leur repliement alternatif à leurs semblables. C ça qui « se reproduit »
Le gène qui permet de produire PrP, c’est le tien. Et si tu produits une PrP « sensible », une PrP/prion peut la convertir en PrP/prion, former des fibres de PrP/prion qui peuvent alors convertir plus de PrP normales en PrP/prions.
Mais c pas fini. Il existe des formes contagieuses de prions, mais aussi des maladies génétiques à prions. Toutes liées à cette protéine PrP. Et la prochaine fois, c’est ça que je vais mettre au clair, maintenant que tu sais ce qu’est un prion, et comment il se propage.
[FIN] J’espère que ça va toujours, et que ça n’a pas été trop compliqué. Mais t’as le temps de lire. Maintenant, tu sais ce qu’est un prion —du moins un prion humain. La prochaine fois, on verra pourquoi ils peuvent être contagieux ou d’origine génétique.
[REFERENCES]
[1] Prusiner, S. (1982) Novel proteinaceous infectious particles cause scrapie. Science, 216(4542):136-44. doi: 10.1126/science.6801762.
[2] https://www.rcsb.org/structure/5YJ5
[3] Linden R. (2017) The Biological Function of the Prion Protein: A Cell Surface Scaffold of Signaling Modules. Front Mol Neurosci;10:77. doi: 10.3389/fnmol.2017.00077, https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/28373833/
[4] Wulf MA, Senatore A, Aguzzi A. (2017) The biological function of the cellular prion protein: an update. BMC Biol.;15(1):34. doi: 10.1186/s12915-017-0375-5, https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/28464931/
[5] Hartl FU, Bracher A, Hayer-Hartl M. (2011) Nature.;475(7356):324-32. doi: 10.1038/nature10317.https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/21776078/
[6] Hoppe T, Cohen, E (2020) Genetics. 215(4):889-901. doi: 10.1534/genetics.120.301283. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32759342/
[7] Scheckel C, Aguzzi A. (2018) Prions, prionoids and protein misfolding disorders. Nat Rev Genet.;19(7):405-418. doi: 10.1038/s41576-018-0011-4.
[8] Daskalov A, El Mammeri N, et al (2021) Front Mol Neurosci. 2021 Jul 1;14:670513. doi: 10.3389/fnmol.2021.670513.
[9] Glynn C, et al.(2020) Nat Struct Mol Biol.;27(5):417-423. doi: 10.1038/s41594-020-0403-y.
[10] Spagnolli G, et al (2019) Full atomistic model of prion structure and conversion., PLoS Pathog.;15(7):e1007864. doi: 10.1371/journal.ppat.1007864.
Et merci d’être arrivé.e jusque là ^^
Originally tweeted by DuXpa6 (@duxpacis) on 24 January 2022.